Un représentant du personnel disposant d’heures de délégation peut les utiliser en dehors de son temps de travail si elles sont dues aux nécessités de son mandat. Dans ce cas, elles doivent être traitées comme des heures supplémentaires classiques.

Notre affaire concerne un salarié, veilleur de nuit, à la fois délégué syndical, membre de la délégation unique du personnel et du CHSCT. Travaillant de nuit, il est souvent amené à prendre ses heures de délégation en dehors de son temps de travail, en journée. En janvier 2011, son employeur met en place, en application d’un avenant à la convention collective applicable à l’entreprise, un repos compensateur de remplacement pour toute heure supplémentaire effectuée au delà de 39 heures par semaine. À partir de cette date donc, le représentant du personnel voit ses heures de délégation prises en dehors de son temps de travail de 39 heures remplacées par un repos compensateur.Il saisit alors le conseil de prud’hommes en référés estimant que ces heures devaient lui être payées en numéraire.

Le juge lui donnant raison, l’employeur se pourvoit en cassation et obtient finalement gain de cause. Pour la Haute juridiction en effet, le conseil de prud’hommes ne pouvait pas statuer de la sorte alors qu’il avait constaté que l’employeur avait appliqué à tous les salariés de l’entreprise, à compter de janvier 2011 l’avenant à la convention collective prévoyant la possibilité de mettre en œuvre un repos compensateur de remplacement en compensation des heures supplémentaires, ce dont il résultait que les heures de délégation accomplies par le salarié en dehors de ses horaires de travail pour les nécessités du mandat devaient ouvrir droit elles aussi à ce repos compensateur.

Pour comprendre cette solution, revenons sur l’utilisation des heures de délégation et la rémunération des heures supplémentaires.

UTILISATION DES HEURES DE DÉLÉGATION EN DEHORS DU TEMPS DE TRAVAIL.

Les heures de délégation ont été instituées pour permettre aux représentants du personnel d’exercer leur mandat.Mais tous les représentants du personnel au CE n’en n’ont pas : il ne s’agit que des membres titulaires (qui ont 20 heures par mois), mais en aucun cas des suppléants sauf quand ils remplacent un titulaire ou sauf convention contraire plus favorable (C. trav., art. L. 2325-6).Quant aux représentants syndicaux (RS) au CE, ils disposent d’un crédit de 20 heures par mois, uniquement s’ils sont dans une entreprise qui emploie au moins 501 salariés (C. trav., art. L. 2325-6).Enfin, les membres élus titulaires de la délégation unique du personnel (DUP qui peut être mise en place dans les entreprises de moins de 200 salariés) disposent d’un crédit d’heures mensuel de 20 heures pour exercer à la fois le mandat de membre du CE et celui de DP (C. trav., art. L. 2326-3).

Les membres du CE qui ont des heures de délégation, peuvent les utiliser soit :

  •     pendant l’horaire normal de travail ;
  •     en dehors du temps de travail mais uniquement si l’exercice du mandat le nécessite par exemple s’ils travaillent de nuit, le mandat exigeant la plupart du temps un travail de jour (Cass. soc., 11 juin 2008, no 07-40.823) ;
  •     pendant les périodes de suspension du contrat de travail (telles que congés payés, congé maternité, mise à pied...) car la suspension du contrat de travail n’emporte pas la suspension du mandat (Cass. soc., 2 mars 2004, no 02-16.554).


Le Code du travail prévoit que le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale (C. trav., art. L. 2325-7). Autrement dit, quand le salarié prend ses heures de délégation, son salaire doit être maintenu comme s’il travaillait. Et s’il les prend en dehors de son temps de travail, elles doivent alors lui être rémunérées comme des heures supplémentaires.

Dans ce cas, l’employeur doit les payer à l’échéance normale de la paie et si ensuite il n’est pas d’accord avec leur utilisation, il peut les contester en saisissant le conseil de prud’hommes. L’élu en question devra alors rapporter la preuve qu’il devait nécessairement exercer son mandat en dehors de son horaire normal de travail ou à défaut, il devra rembourser les sommes perçues au titre de ces heures (Cass. soc., 12 févr. 1991, no 88-42.353 ; Cass. soc., 21 nov. 2000, no 98-40.730 ; Cass. soc., 11 juin 2008, no 07-40.823 ; Cass. soc., 25 juin 2008, no 06-46.223).

À NOTER
Si un membre du CE prend ses heures alors qu’il est en arrêt maladie, il peut perdre ses indemnités journalières de sécurité sociale car l’assurance maladie exige une cessation totale d’activité, y compris du mandat (Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, no 09-17.449).

Par ailleurs, s’il prend ses heures alors qu’il est en congés payés, il ne peut pas percevoir une indemnité de congés payés et un paiement au titre des heures de délégation car il serait alors payé deux fois (Cass. soc., 19 oct. 1994, no 91-41.097) !

C’est à notre avis la même solution qui s’applique en cas d’utilisation de ses heures de délégation pendant un jour de RTT.

RÉMUNÉRATION DES HEURES DE DÉLÉGATION PRISES EN DEHORS DU TEMPS DE TRAVAIL.

Nous venons de voir que chaque heure de délégation prise en dehors du temps de travail doit être payée en heure supplémentaire. Or chaque heure supplémentaire donne lieu à une majoration de salaire fixée par la loi, ou à défaut, par accord à (C. trav., art. L. 3121-22) :

  •     25 % pour chacune des 8 premières heures (de la 36e à la 43e incluse) ;
  •     50 % pour les heures faites à partir de la 44e heure.


Si le principe est celui d’un paiement de chaque heure supplémentaire en salaire, une entreprise peut cependant prévoir que chaque heure sera remplacée par un repos compensateur équivalent, soit en partie, soit totalement (C. trav., art. L. 3121-23).

Pour cela il faut un accord collectif (d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche) le prévoyant ou, si l’entreprise n’a pas de DS, une décision de l’employeur à laquelle le CE ne doit pas s’être opposé.

En effet dans ce dernier cas, l’employeur doit avoir l’accord du comité pour mettre en place ce repos compensateur ; le CE dispose donc sur ce point d’un droit de veto (C. trav., art. L. 3121-24).

Autrement dit, la majoration en salaire des heures supplémentaires n’est pas systématique : tout dépend de ce qui est prévu dans l’entreprise comme l’illustre notre affaire où chaque heure supplémentaire faite au-delà de 39 heures devait donner lieu à un repos compensateur et ce, en vertu d’un avenant à la convention collective.

C’est pour cette raison que l’employeur appliquait ce régime aux heures délégation faites en dehors du temps de travail, ce que contestait le représentant du personnel. Pour lui en effet, le repos compensateur ne devait pas s’appliquer aux heures de délégation prises hors temps de travail, lesquelles devaient nécessairement être payées en numéraire. C’est d’ailleurs aussi la position qu’avait retenu le conseil de prud’hommes.
Mais la Cour de cassation n’a pas été de son avis estimant qu’à partir du moment où tous les salariés de l’entreprise, représentants du personnel ou non, bénéficiaient d’un repos compensateur intégral pour chaque heure supplémentaire effectuée, c’est ce même régime qui devait aussi s’appliquer au représentant du personnel en question.

Il convient donc de traiter la rémunération des heures de délégation en heures supplémentaires de la même manière que celle des heures de travail supplémentaires « classiques » : une majoration et/ou un repos. Tous les salariés doivent donc « être logés à la même enseigne », mandat ou pas.

La Haute Juridiction ne fait que confirmer une position adoptée il y a 20 ans auparavant lorsqu’elle a affirmé le principe selon lequel « les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et que les heures supplémentaires accomplies à ce titre par un salarié protégé ouvrent droit au repos compensateur » (Cass. soc., 20 mai 1992, no 89-43.103 ; Cass. soc., 13 déc. 1995, no 92-44.389).Cass. soc., 9 oct. 2012, no 11-23.167 P+B

Auteur : par Marie-Charlotte Tual Rédactrice en chef